No Green without Red

Zu Gast beim “lëtzebuerger Land” – 13 septembre 2019

Il est grand temps d’assumer le fait que la crise écologique renforce déjà actuellement et creusera davantage les inégalités. Afin d’éviter une « vraie crise sociétale », il est impératif de combattre ces inégalités à différents niveaux.

Une première approche serait de combattre la crise écologique, respectivement de changer les modes de vie et de financer une transition écologique par l’introduction d’un modèle fiscal incitant à un comportement écologique.

Problème : une taxation « simple » comme par exemple une augmentation des taxes sur les carburants affecte directement le pouvoir d’achat et pèse donc plus particulièrement sur les ménages les moins aisés. D’ailleurs ces ménages n’ont souvent pas les moyens de recourir à des voitures moins polluantes. Ainsi une augmentation des taxes le fuel a le même effet anti-distributif. Il va de soi que les rénovations énergétiques sont, à vrai dire, toujours pas à la portée de tout le monde.

“Une fiscalité écologique qui ne pénalise pas ou pas exclusivement les ménages les plus fragiles passe par une redistribution et donc par une réflexion générale sur la justice fiscale.”

Qui dit justice fiscale, aussi et surtout au Luxembourg, dit imposition complètement déséquilibrée entre revenus du travail, dont les salaires, et les revenus du capital et de la propriété, intérêts, dividendes, etc.

La génération de recettes, susceptibles de servir à une transition écologique sociale pourrait être atteinte par la taxation adaptée des grandes propriétés immobilières, donc par la réforme des droits de succession.

Historiquement et théoriquement l’impôt sur l’héritage est un impôt sur les transmissions de biens qui s’opèrent par le décès qui a pour but de limiter l’inégalité de la répartition des richesses et éviter la concentration excessive de celles-ci. Car au Luxembourg une exemption s’applique notamment à toutes les successions recueillies ou acquises en ligne directe[1]. De ce fait, au fil des générations, de gros patrimoines familiaux se sont créés sans que pour autant la collectivité ne soit soumise, du moins en partie, au profit. Les recettes des droits de succession par rapport au total des recettes courantes de l’État, tourne autour d’un taux faible de 0.70%, alors qu’en France recettes globales des impôts sur le patrimoine des particuliers s’élèvent à un taux de 3,5 % de leur PIB. Cette situation patrimoniale dommageable qui met en danger l’équilibre sociétal, nécessite une réponse urgente de l’État. Or il convient de souligner que le but d’une telle imposition sur les successions n’est pas la pénalisation des petits patrimoines. Il s’agit plutôt d’une imposition sur les patrimoines fortunés pour mettre fin à la summa divisio ; fortunés-pauvres.

Un effet « secondaire » de cette réforme pourrait être d’abord la transmission anticipée du patrimoine, qui mobilisera du foncier et permettra de lutter de façon conséquente contre la spéculation immobilière. Sans cette mesure, en se limitant seulement à l’augmentation de l’offre de logements et de terrains constructibles, une stabilisation voire une diminution des prix de l’immobilier ne pourra pas être obtenue. Rappelons ici, comme le Statec l’a récemment indiqué dans une étude, que ce sont surtout les jeunes qui au Luxembourg sont « parmi les plus précarisés » en Europe et de moins en moins capables « à s’emparer d’un logement ».

Toutes ces impositions pourraient générer des recettes supplémentaires d’une grande importance qui pourront être utilisées pour une transition écologique qui ne pèse pas sur les plus précaires, mais qui, bien au contraire, mènent à plus d’équité sociale.

Amir Vesali, Olivier Cano, Gledis Kryeziu, Georges Sold

[1] descendante et sous certaines conditions aussi ascendante